Projection unique le 29 janvier 2013 à 20h30
Aux frontières du réel
En présence de l'artiste plasticien nîmois Yoan Armand Gil,
passionné et spécialiste de l’œuvre d'Alejandro
Jodorowsky.
Santa Sangre
Alejandro
Jodorowsky, 1989, Italie/Mexique, 1h58
Avec
Axel Jodorowsky, Blanca Guerra, Sabrina Dennison, Adan Jodorowsky, Guy
Stockwell.
Santa Sangre marque le retour de
Jodorowsky après l’échec commercial de Tusk en 1980. Disons-le : le film
nous plonge au cœur de la névrose et de la folie pure. Voir son père tuer sa
mère, c’est en effet perturbant . Voilà pourquoi l’enfance du jeune Fenix
n’aura pas été des plus tendres. Ce jeune garçon évolue dans l'univers
particulier du cirque dont l’équilibre fragile menace de s’effondrer à tout
moment. Entre onirisme inquiétant et ambiance Freaks, le Circo del
Gringo renferme son lot de personnages étranges et charismatiques. Séduit par
la sulfureuse femme tatouée, Orgo, père de Fenix et « Monsieur
Loyal » du cirque, provoque la colère de sa femme Concha. Un soir, alors
qu’elle le surprend avec sa maîtresse, elle tente de le castrer à l’acide
sulfurique (pas très fin mais radical). Fou de rage, il attrape ses poignards
et lui tranche les bras avant de s’égorger devant son fils ; une mort très
symbolique étant donné qu'Orgo est lanceur de couteaux et que Concha vénère une
vierge aux bras coupés, sainte du culte populaire Santa Sangre. Cette première
partie donne le ton et reflète parfaitement l’imaginaire tordu et déjanté du
réalisateur chilien. La présence de ses fils, Axel et Adan, tous deux acteurs
dans le film, donne aussi une touche très personnelle au film.
Revenons-en à nos moutons. Fenix, devenu adulte, est interné
dans un hôpital psychiatrique : il se prend pour un aigle. Jodorowsky joue sur
l'opposition entre la liberté du corps et celle de l'esprit. Le personnage
s'évade dans son imaginaire mais reste cloîtré dans l'asile, du moins jusqu'à
ce qu'il soit considéré comme apte à regagner la société. De nouveau libre, il
finit par retrouver ses anciens amis du cirque ainsi que sa mère qu'il croyait
morte. Cette dernière va se servir de son fils pour assouvir ses pulsions
meurtrières développées après sa mutilation. Fenix va alors devenir le bras
vengeur de celle-ci. Cette série de meurtres générés par l’oppression que la
mère fait peser sur son fils n'est pas sans rappeler Psychose... Fenix
est une sorte de cousin éloigné du Norman Bates d'Hitchcock, d'autant plus
qu'ils aiment tous les deux les couteaux de cuisine !
Santa Sangre nous prend aux
tripes et ne nous laisse pas indifférents. Poétique, brutal, personnel, ce film
ayant reçu la licorne d'or au festival du film fantastique et de science
fiction de Paris, est l'une des plus belle réussites de Jodorowsky.