SÉMINAIRE DU MASTER RECHERCHE (V42ASRC3)
(Répondante : M. Scheinfeigel)
JACQUES AUMONT
Mardi 25 mars 2014, 9h15
Salle 005, site St Charles (arrêt de Tram "Albert 1er")
« Il y a cinquante ans, dans un entretien, Roland Barthes n'avait pas peur de dire : ”Tant qu'il y aura des scènes de ménage, il y aura des questions à poser au monde ”. La scène - de ménage, de crime ou d'exploration -, c'est le ressort élémentaire de la fiction : or si la fiction pose des questions au monde, c'est qu'elle nous permet d'en symboliser toute l'expérience que nous en avons. Le cinéma, au long du 20ème siècle, aura été une immense relève de la forme fictionnelle majeure du 19ème, le roman, dont il a repris le rapport à la réalité et à son destinataire. Au fil du siècle, cette alliance a survécu au délitement du roman 19ème, et aussi à la crise que l'on diagnostique depuis bien quarante ans au sein du cinéma, et dont le symptôme récent sont les nouveaux modes et les nouvelles circulations de l'image en mouvement. Doit-on penser pour autant qu'on est passé au « post-cinéma », comme certains le veulent ? En enquêtant sur les limites de la fiction cinématographique, j'ai plutôt cherché à montrer que ce qu'a inventé le cinéma (la mise en forme du temps, le regard guidé dans le temps, l'esthétique de la rencontre avec le réel) perdure et perdurera, parce que c'est, au fond, également l'essentiel de ce qui définit la fiction : son frottement avec la réalité, sa production d'une « feintise ludique », sa relation dialectique avec la figuration et l'image. Malgré la youtubisation de l'expérience de l'image, il reste – ce sera le fond de mon propos - un bel avenir à la scène, de ménage ou pas. » - J. Aumont.
Jacques Aumont est directeur d'études à l'E.H.E.S.S. et professeur associé aux Beaux-arts de Paris. Ses derniers livres publiés sont L'Attrait de la lumière (2010), Le Montreur d'ombre (2012), Que reste-t-il du cinéma ? (2012) et Montage (2013). Son prochain livre, Les Limites de la fiction, paraîtra en mai 2014. C’est de ce travail encore inédit qu’il viendra nous entretenir.
