Ciné
Campus #6 – Noir sang
Faux-semblants (Dead Ringers)
David Cronenberg, 1988, 1h56
La séance sera accompagnée par Vincenzo Susca, maître de conférences en sociologie de l’imaginaire à l’Université Paul Valéry.
« Les cauchemars de la pensée engendrent des monstres ».
Ce sont deux corps pour lesquels la vie n’a peint qu’une seule âme. C’est un seul être qui vibre dans deux manteaux de chair, Beverly et Eliott Mantle sont une fusion de tous les instants, une tragédie symphonique à deux variations. Jumeaux dans la vie comme dans la passion, chaque minute de leur existence trouve un écho. Si le même sang coule dans leurs veines, si les mêmes traits se déclinent sur leurs visages, si les pensées de l’un sont l’extension des mouvements de l’autre, ce n’est pas par volonté mais par essence.
Gynécologues, épris
d’une esthétique des organes, d’une beauté de l’intérieur du
corps, ils vibrent sous l’assaut d’une même ardeur, partagent
les mêmes femmes, vivent dans un même souffle. Quand survient le
jour où l’un s’arrache à l’autre, où la contradiction
s’immisce dans leur harmonie, engendrant alors un troisième visage
monstrueux : celui de leur séparation. Orchestrée des mains
d’une femme, cette déchirure ne saurait cicatriser.
Bien
que David Cronenberg ait depuis longtemps habitué nos yeux de
spectateurs au mariage du sublime et de l’abject, au spectacle du
Beau que des tripes offertes à la vue peuvent susciter,
Faux-semblants
pousse ce
paradoxe esthétique
à son paroxysme. Quoi de plus troublant en effet que de faire
incarner cette dualité maladive à un seul acteur ? Quoi de
mieux que d’utiliser la chair comme matière à penser ? Ainsi
se dessine le chef-d’œuvre du
cinéaste,
à la frontière de sensations ineffables, au cœur d’une approche
pulsionnelle de l’amour.
Amoureux
de l’horreur, courrez re-voir Faux-semblants.
Laissez-vous
charmer
par son doux poison, loin des codes usés du cinéma de genre, au
cœur d’une nouvelle forme de terreur, intellectuelle et lyrique.
Laissez
David Cronenberg malmener vos perceptions habituelles et briser la
frontière manichéenne entre les clivages qui jalonnent votre
existence. Vivez une expérience
cinématographique ultime, marquée par la transcendance d’une
union
malsaine entre deux corps mais également avec le vôtre,
le
corps que vous
habitez
en tant que spectateur. Fusionnez
à votre tour...