CINÉ CAMPUS
– À
la limite du visible
Projection
unique le 26 mars à 20h30.
La séance est présentée par Caroline San Martin, docteur
en études cinématographiques et en littérature comparée, ATER à l'université
Paul Valéry, scénariste et rédactrice en chef de la revue Lignes de fuite.
Funny Games
U.S.
Écrit et réalisé par Michael Haneke, 2007, États-Unis, 111 minutes
Avec : Naomi Watts, Tim Roth, Michael Pitt, Brady
Corbet...
Souvenez-vous, en 1997, au festival de Cannes, Funny Games faisait scandale... Dix ans
plus tard Michael Haneke réalise Funny
Games U.S., un remake américain plan par plan de la première version...
ceci pour s'ouvrir à un plus large public...
Greg, Anna et leur fils Georgie partent passer
quelques jours dans leur maison de campagne. À peine arrivés, Anna reçoit la
visite des deux jeunes voisins venus lui demander quelques œufs. La situation
dégénère rapidement : les deux garçons changent de ton et deviennent de plus en
plus insistants voire insolents. La famille se retrouve tout à coup séquestrée
et livrée à un jeu macabre qui consiste à rester en vie jusqu'au lendemain
matin. La folie des deux tortionnaires n'a pas de raison. Dénués de morale, ils
vont jusqu'à s'adresser directement au public, le mettant ainsi dans une
situation de voyeur. Cette apostrophe remet bien la position du spectateur en
question concernant sa passivité face à la violence au cinéma.
Dans la trilogie de la violence
comprenant les trois premiers films de Michael Haneke - Le Septième Continent, Benny's Video et 71 Fragments - le réalisateur parle de la violence d'une société
poussant les gens à bout, les rendant ainsi capable des pires horreurs. Dans Funny Games U.S., il s'attarde davantage
à critiquer la violence au cinéma. Comme dans les autres films d'Haneke, la
violence est ici à la limite du visible. Les scènes de meurtre ne sont pas esthétisées, le
cinéaste représente la violence telle qu'elle pourrait être. Qu'elle soit donc
physique (Benny's Video),
psychologique (Funny Games), ou
sexuelle (La Pianiste), la violence
est un thème récurent dans l'œuvre de Michael Haneke. Mais son cinéma se
détache cependant de l'horreur. La violence, physique par exemple, est très souvent hors champ pour laisser place à
l'imagination du spectateur, ce qui est d'autant plus angoissant car, Haneke le
sait, l'appréhension est la somme de toutes les peurs.
Avec Funny Games U.S., le cinéaste pose très
vite le ton, et personne n'est épargné. Il va jusqu'à provoquer le spectateur
le rendant ainsi complice de cette violence. Dans ce film, Michael Haneke nous
parle bien du cinéma et de son pouvoir de manipulation qui donne à accepter ce
que l'on voit. À certains spectateurs ayant crié au scandale le réalisateur
répond : « Après une première gifle,
ils ont assisté à des actes de plus en plus violents sans broncher, alors que,
à tout moment, ils auraient pu se lever et partir. Mais ils sont restés, collés
à leur fauteuil, parce que le cinéma a un tel pouvoir de manipulation que,
malgré toutes ces choses désagréables que je leur fait endurer, ils ont voulu
connaître la fin ».