CINÉ
CAMPUS – Aux portes de la mort
Projection unique le 16 avril à 20h30.
La
projection est suivie d’un débat avec Céline Saturnino, docteur en études cinématographiques, spécialiste du cinéma américain indépendant et chargée de
cours à l'université Paul Valéry.
Ghost Dog: The Way of the
Samouraï
Écrit et réalisé par Jim Jarmusch, États-Unis/France/Allemagne/Japon, 1h56min, 1999, VOSTF
Avec : Forest Whitaker, John
Tormey, Cliff Gorman, Isaach de Bankolé, Camille Winbush…
« Chaque jour on doit se considérer comme mort. »
C’est sur ces mots que s’ouvre le film,
citation du Hagakure qui compile notes et pensées d'un samouraï du début
du 18ème siècle. Ghost Dog ne se sépare jamais de ce guide spirituel.
Afro-américain vivant seul sur un toit de Jersey City, il passe ses journées à
s’occuper de ses pigeons, répétant des mouvements d’épée dans une danse
gracieuse et mortelle. Car derrière sa démarche pataude et sa centaine de
kilos, Ghost Dog est un tueur à gages, professionnel discret et rapide.
« Si l’on souhaite changer le monde d’aujourd’hui et
revenir à l’esprit d’il y a cent ans, cela ne se peut. »
Après
Dead Man (1999), film détournant les codes du
western, Jim Jarmusch revient avec Ghost Dog à une hybridation des
genres, dont les inspirations sont encore plus diverses. Jim Jarmusch
(d’origine franco-hungaro-irlando-tchèque) est marqué par des réalisateurs tels
qu'Antonioni ou Mizoguchi. Et ce sont toutes ces influences qui se retrouvent
mêlées, transfigurées dans ce film. De Kurosawa pour le film de samouraï
(notamment Rashomon) au western (High Noon) en passant par des
références, comme le rôle des oiseaux, au Samouraï de Jean-Pierre
Melville... Et c’est la rencontre de ces mondes que Jarmusch met en scène avec
légèreté, offrant au film de magnifiques scènes d’humour et de grâce. On pense
notamment au seul ami de Ghost Dog, vendeur de glaces haïtien qui ne parle pas
un mot d’anglais. Cette hybridation est
pensée avec justesse dans le contexte d’un ghetto noir, monde moderne
dont Ghost Dog réalise la fusion. Samouraï noctambule, il se déplace d’un pas
lourd durant le jour et tente d’être l’incarnation de l’ancien monde dans celui
d’aujourd’hui. Mais les vieux rites ne peuvent s’appliquer aux jours présents,
ils ne fonctionnent plus. Les mafieux en sont l’exemple même : leurs
figures sont usées, ils soufflent après avoir monté des escaliers, ils sont
aussi désincarnés que les cartoons qu’ils regardent à la télévision. Le
film représente la mort des codes et des figures cinéphiliques. Mais n’est-il
pas aussi la preuve de leur transmission, de leur renouveau ? Puisque
toute mort n’est-elle pas le commencement d’une nouvelle vie ?
« La fin est importante en toutes choses. »
Ghost Dog est donc un film qu’on ne saurait que trop vous
conseiller de (re)voir. Pour sa mise en scène aérienne, pour l'excellence
de la performance de Forest Whitaker, ou encore pour la bande-son de RZA,
ancien pilier du groupe Wu-Tang Clan, dont le rap vient bercer le film...